Tout aspirant écrivain ayant rédigé un ou plusieurs manuscrits, se lance un jour à la recherche d'un éditeur.
Cette décision marque généralement le début d'une longue quête, qui peut s'achever par une victoire ! mais qui se solde plus souvent par un abandon à plus ou moins long terme. Cette constatation peut vous sembler un peu abrupte, mais elle repose sur une réalité.
Comme on dit toujours, l'essentiel n'est pas le but, mais le chemin ! Je l'ai déjà parcouru et je peux attester que cette aventure peut ne pas manquer de sel. Je n'irais pas jusqu'à la comparer à une odyssée ou une quête du graal, mais les quelques anecdotes que j'ai recueillies pour vous vont vous sembler aussi utiles que divertissantes.
Aussi, sans vous faire attendre plus, je vous invite à suivre avec moi ce nouvel épisode de ma vie passionnante de romancière.
Les tribulations de l'aspirant romancier en quête d'un éditeur
Les premières rencontres : éditeur cherche auteurs...
En rangeant mes armoires, la première trace d'une réponse à l'envoi d'un manuscrit que j'ai retrouvé date du 21 février 1989. J'avais une vingtaine d'années et je rêvais encore d'être écrivain. J'aimais beaucoup écrire mais j'en étais encore à rassembler des textes épars et quelques nouvelles. C'était l'époque où je noircissais beaucoup de feuilles de papier au stylo et les jetais ensuite par container entiers pour ensuite recommencer -de toute façon les idées ne manquaient pas et cela prenait trop de place de gardet et puis recommencer sans cesse me plaisait déjà. J'avais l'impression en jetant de me débarrasser des idées stériles et ce qui me revenait en mémoire était forcément meilleur.
Bref, je ne sais plus comment j'en suis arrivée à adresser ce qui devait être un semblant de texte, dans mon souvenir le récit d'un rêve avec quelques effets de style, pas mal de noirceur, un brin de nihilisme et de jolis paysages, mais enfin quelque chose finalement un peu sans queue ni tête dont je n'ai conservé aucune trace, si ce n'est la réponse de "l'éditeur".
Cette maison je crois n'existe plus, mais c'était à l'époque une enseigne à compte d'auteur qui faisait de la publicité un peu partout, prétendant rechercher des auteurs comme s'il en manquait, et c'est sans doute comme cela que j'avais dû me décider à leur envoyer quelque chose. Je ne connaissais strictement rien au milieu de l'édition.
La réception de la lettre d'acceptation me remplit des sentiments bien connus de tous les auteurs destinataires d'une telle missive : étonnement, fierté, joie, et puis je me voyais déjà en haut de l'affiche !
Ainsi, mon style plaisait et un éditeur, le premier à qui j'envoyais quelque chose, voulait publier mes écrits. La lettre dithyrambique ne laissait planer aucun doute : le succès était au bout du contrat.
Cet écrit dont moi-même je n 'aurais su que faire, La pensée Universelle souhaitait l'acquérir, le faire lire, apprécier et j'allais devenir un écrivain célèbre.
La seule condition était de verser une somme, conséquente, mais qui pour un tel rêve était tout à fait envisageable. Sauf que je n'avais pas cette somme. Pour l'instant. Mais l'espoir ouvrait la porte à un avenir merveilleux.
Je décidai tout de même d'apporter une réponse négative, et de récupérer mon manuscrit afin d'y apporter de belles améliorations, puisque l'édition était possible, j'allais mettre de l'argent de côté et préparer quelque chose de merveilleux.
Or, le 4 avril 1989, je reçus cette seconde lettre qui m'indiquait "C'est avec regret que nous vous avons rendu votre manuscrit le 23 mars 1989. En effet, votre ouvrage avait bénéficié d'un rapport particulièrement favorable de nos lecteurs...". S'en suivait une proposition commerciale incroyablement alléchante agrémentée de suppliques. Ainsi, le coût était devenu plus qu'abordable, voire dérisoire.
Malgré la naïveté de mes vingt ans, la manoeuvre me parut assez louche et malhonnête. Effectivement, même si cette maison n'existe plus, il en sévit de nos jours des dizaines du même acabit, qui proposent de l'édition à compte d'auteur et j'ai bien fait de ne pas donner suite, car il y a ensuite de grandes chances que le succès ne reste qu'un rêve. Dans ce cas, une fois le contrat signé et le montant versé, peu de chance que le livre atterrisse dans les librairies.
Mais enfin ce fut ma première expérience d'envoi de manuscrit et je pense que cela rappellera des souvenirs à beaucoup d'écrivains d'aujourd'hui, car rares sont ceux qui n'ont pas été un jour attirés dans les filets du marketing agressif de ces sociétés.
La recherche d'un éditeur : le choix
Ce n'est que beaucoup plus tard, en 2002, que l'écriture d'un vrai roman structuré en quatorze chapitres me remplit de fierté. Jusque là j'avais participé à des concours de nouvelles, sans succès, mais un roman, quand même, c'était quelque chose d'assez rare. Surtout que l'inspiration ne m'avait pas lâché du début à la fin et même si j'y avais passé évidemment beaucoup de temps, le résultat me semblait assez miraculeux.
J'ai donc décidé que cela valait le coup de proposer le manuscrit à de vrais éditeurs. Et autant choisir les meilleurs ! Car le coût d'envoi était conséquent. Imprimer et affranchir plus d'une centaine de pages à plusieurs éditeurs nécessitait un investissement non négligeable.
J'ai retrouvé de la soumission de ce roman intitulé "Nos solitudes", les réponses négatives entre 2001 et 2002 des éditions Gallimard, POL, Le Dilettante et Univers Poche. Ce sont des lettres circulaires, non personnalisées, qui sont envoyées à tous les auteurs mais qui indiquent quand même que le manuscrit a été soumis au comité de lecture et qu'il ne rentre pas dans la ligne éditoriale.
En 2004, j'ai reçu un courrier d'Albin Michel, assez sympathique. Malheureusement on m'appelle Monsieur et le nom de l'ouvrage n'est pas cité. J'ai été tout de même heureuse d'apprendre que "nos lecteurs ont apprécié certaines qualités de votre roman".
Certainement par dépit, j'ai fait un envoi aux éditions Bénévent, malgré que je soupçonnais qu'il s'agissait d'une société à compte d'auteur. D'après leur réponse favorable accompagnée d'un devis le 2 septembre 2004, le manuscrit que j'avais envoyé s'intitulait "Happy End". Je pense m'être améliorée depuis pour le choix des titres. Je n'ai bien entendu pas donné suite à cette proposition commerciale.
La recherche d'un éditeur : la méthode
A partir de 2006, j'ai écrit trois manuscrits de romans dont j'estimais qu'ils pouvaient intéresser des éditeurs. J'avais mis au point une nouvelle méthode d'envoi afin de rentabiliser les coûts et de toucher plus de grandes maisons d'édition.
Je ne pouvais me permettre d'imprimer et d'adresser des centaines de pages, puisque les éditeurs n'acceptaient aucun envoi par mail. J'avais donc décidé de proposer :
Des extraits (début, passages cruciaux, fin), bien présentés et reliés ;
Une lettre accompagnatrice attrayante détaillant mon parcours et mes motivations, mes influences, etc... et bien entendu ma vénération pour la maison d'édition choisie, écrite avec mon plus beau stylo à plume ;
De porter moi-même les enveloppes, ayant la chance d'habiter en région parisienne.
J'avoue que j'ai de merveilleux souvenir de ces longues marches dans Paris, où finalement beaucoup de grands éditeurs se concentrent dans le quartier de Saint-Germain des Prés.
Ah, l'excitation de partir avec ses feuillets sous le bras ! L'émerveillement de parfois trouver une porte ouverte chez Gallimard ou Albin Michel, passer sa tête hardiment et se faire inviter à entrer pour déposer son enveloppe sur un bureau imposant baigné de la seule lueur de la pleine lune.... Discuter avec une éditrice sortie fumer devant l'immeuble et lui remettre le manuscrit en main propre... Rentrer chez soi le coeur plein d'espoir et se réveiller le matin en se disant que les mots sont entre des mains expertes, peut-être lus bientôt...
Au delà du plaisir de ces promenades germanopratines, la méthode choisie porta ses fruits puisque je reçus entre 2006 et 2008 une salve de lettre de refus, toutefois argumentées cette fois à propos de mon style. Certaines portaient même une mention à la main, ce qui d'après les avis unanimes, témoigne d'un encouragement à poursuivre et à s'améliorer.
Voici la liste des éditeurs qui m'ont aimablement répondu pour quatre manuscrits différents : Editions de Minuit, Cherche Midi éditeur, Toute lattitude, Seuil, P.O.L, Albin Michel, Bernard Grasset, Gallimard, Arthème Fayard, JC Lattès, Robert Lafont...
J'ai également reçu une réponse du Dilettante qui n'était pas aimable. Pour l'anecdote, il était à cette époque de notoriété publique que recevoir une réponse du Dilettante agrémentée d'une mention à la main, même insultante et dégradante, témoignait de leur intérêt pour le texte. Et j'ai tout de même eu droit à deux pages entières écrites à la main, pour détailler les défauts de mon style plat, ce dont je suis extrêmement fière et que j'ai donc pris pour un encouragement à continuer. (Je ne sais pas si le Dilettante est toujours fidèle à cette réputation, vous me direz !).
En 2014, j'ai donc persévéré en proposant une version reliée de mon premier roman autopublié "La puissance des ordinaires" et ai eu le plaisir de recevoir cette fois, des lettres de refus qui n'étaient pas des circulaires mais qui parlaient de mon texte et étaient signées du nom et de la main de l'éditeur et de son représentant !
Ce sont des signes qui montrent que l'éditeur a pris le temps de personnaliser la réponse, ce qui, au vu du nombre de manuscrits qu'ils reçoivent chaque jour, équivaut à un compliment.
Cette progression dans le temps est, malgré les refus, une belle récompense. J'aurais dû, en toute logique, continuer à soumettre mes manuscrits car les encouragements étaient bien là. Mais j'avoue que l'autoédition m'a happée et que mon intérêt envers une éventuelle collaboration avec un éditeur a faibli.
Les coquilles des éditeurs
Les éditeurs ne manquent pas d'humour ! En voici quelques exemples :
Les magnifiques envolées littéraires du Dilettante, un des rares éditeurs à se donner la peine de personnaliser ses lettres (pour peu qu'on soit prêt à recevoir des commentaires très francs et désobligeants sur notre production comme un service rendu),
La confusion de genre d'Albin Michel en 2004 qui m'appelle Monsieur et ne cite pas mon ouvrage (est-ce bien à moi qu'ils s'adressaient ?)
Mais je pense que la perle revient au Cherche Midi éditeur qui m'a adressé une réponse légèrement raturée et signée, accompagnée d'une pile de lettres circulaires vierges. Ainsi, si parmi vous il en est qui souhaitent recevoir une réponse négative de la part du Cherche midi, il me suffit de les compléter avec vos noms et adresse. Pratique !
Quant aux Editions Stock, le comité de lecture a besoin de réviser son orthographe. Je vous laisse trouver la faute !
En conclusion
Cet article a été pour moi l'occasion d'une sympathique retrospective sur plus de trente ans de recherche d'éditeurs.
J'avoue que tous ces souvenirs sont comme une merveilleuse promenade pour moi.
Ces derniers temps, le monde de l'édition est un peu bousculé, avec de nouvelles pratiques, de nouveaux outils et même les éditeurs les plus emblématiques doivent s'adapter. Il est donc possible que leur mode de sélection ait évolué aussi. Mais ne nous leurrons pas, les moyens à disposition de tout un chacun permettent aussi au plus grand nombre d'écrire et la quantité de texte soumis ne fait qu'exploser... Il faut donc toujours s'armer de patience et parfois de ruse dans sa quête du Graal, la recherche d'un éditeur !
Cependant, je vous invite à terminer sur une belle note d'optimisme avec cette tribune retentissante : "Place aux vieux !" Le temps passe mais vous n'avez pas encore connu la consécration éditoriale ? Voici une liste non exhaustive de plumes célèbres qui n'ont été adoubées par les éditeurs qu'à un âge avancé.
Pour conserver cet espoir ouvert, si vous avez des témoignages, des questions, des demandes de conseils, n'hésitez pas à commenter cet article ou à me contacter via le formulaire du site, je me ferai un plaisir de vous répondre !
Avant de nous quitter
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Bien chère Laurence,
Je lis toujours avec intérêt vos écrits couvrant “l’art d ‘écrire” et la difficulté de publier, avec aujourd’hui, une excellente vision sur le marigot de l’édition. Je vais donc joindre ma voix à la votre car cela ne peut que renforcer la finesse d’analyse des auteurs-lecteurs de votre blog en recherche d’édition classique, et leur aversion face à l’arnaque littéraire.
Je vois poindre dans vos observations l’idée d’une “black liste” des éditeurs abusifs, pour ne pas dire plus. C’est une remarquable idée !
A la quelle pourrait s’opposer une “blue liste” des éditeurs sincères, sérieux, efficaces, professionnels, modestes, dont notre pays regorge…je suis prêt à le parier.
J’ ai été la victime (consentante évidemment) d’un éditeur ou prétendu…
Merci chère Laurence de nous faire bénéficier de tes conseils et de tes déconvenues...
Comme tu le sais, je ne suis pas allée bien loin. J'ai juste contacté deux maisons d'éditions... Mais quand j'ai vu qu'elles mettaient entre 6 mois et 2 ans à répondre tant elles reçoivent de demandes, j'ai vite déchanté. Et puis, grâce à des auteurs comme toi, qui racontent leur parcours, j'ai vite compris que je risquais de perdre mon temps et que mes aspirations ne concordaient pas avec celles des éditeurs... S'ils sont intéressés, par contre, je reverrai tout ça. Mais je rêve qu'ils me trouvent tous seuls !
Tes aventures prouvent que le talent ne suffit pas toujours mais surtout qu'on peut sortir du…
Jee suis éclatée en te lisant 😁 quelques souvenirs ? éditions Baudelaire ( mon premier roman, je n'ai pas signé non plus 😉 Le dilletante, lette assez sévère relevant mon niveau d'orthographe (ils avaient raison pour le coup) et le manque d'originalité du sujet. Bref, j'ai fait du chemin depuis et mea culpa, j'ai travaillé mon orthographe 😂
Chère Laurence,
Remarquable début d'une enqête sur un sujet collectif et prenant.
J'envisage d'y répondre avec mon expérience personnelle et des anecdotes douloureusement vécues…si je parviens à maîtriser la barrière des “mots de passe” autres difficultés qu'impose le blog [au demeurant très bien fait si on excepte cet obstacle]. Sinon je tenterai de vous joindre par courrier postal.
Avec mes meilleurs sentiments.
Claude Milcent.